Nouvelle plainte contre les anciens dirigeants communistes

Photo illustrative: Miloš Turek

Plusieurs anciens dirigeants communistes font de nouveau face à la justice. La Plateforme pour la mémoire et la conscience européenne a déposé une plainte, jeudi, auprès du Ministère public suprême, contre notamment l’ancien chef du Parti communiste tchécoslovaque Milouš Jakeš, les anciens Premiers ministres de la Tchécoslovaquie et de la République socialiste slovaque Lubomír Štrougal et Peter Colotka, ainsi que d’autres responsables de centaines de meurtres commis aux frontières de la Tchécoslovaquie avant 1989.

Photo illustrative: Miloš Turek
Près de 250 personnes de différentes nationalités ont perdu la vie entre 1965 et 1989 en tentant de franchir les frontières avec l’Allemagne et l’Autriche et de fuir ainsi la Tchécoslovaquie communiste. A l’exception de quatre gardes-frontières, personne n’a toutefois jamais été condamné pour ces homicides.

C’est ce que veut changer, depuis plusieurs années déjà, la Plateforme pour la mémoire et la conscience européenne. En 2008, l’organisation avait déposé une plainte contre les anciens dirigeants communistes encore en vie auprès du Bureau pour la documentation et les enquêtes sur les crimes du régime communiste. Ce n’est que huit ans plus tard que l’enquête a été close avec alors pour conclusion que les crimes du communisme étaient déjà prescrits. Une conclusion qui n’a cependant pas satisfait la directrice de la Plateforme, Neela Winkelmannová :

« En 2001 déjà, la Cour européenne des droits de l’homme s’était penchée sur les meurtres commis à la frontière entre l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest à l’époque du communisme. Les juges avaient alors qualifié ces meurtres de crime contre l’humanité, c’est-à-dire de crime imprescriptible. Nous nous basons donc sur une décision rendue par une des instances juridiques les plus importantes dans le monde. »

Milouš Jakeš,  photo: ČT24
Jeudi, l’organisation a donc décidé de déposer une nouvelle plainte contre plusieurs membres du Comité central du Parti communiste tchécoslovaque, et notamment contre Milouš Jakeš, Lubomír Štrougal et Peter Colotka. La plainte, déposée cette fois directement auprès du Ministère public suprême, porte plus précisément sur le cas de vingt-huit personnes fusillées, noyées ou victimes de la clôture électrifiée déroulée le long des frontières tchécoslovaques. D’après Neela Winkelmannová, la plainte comporte également de nouvelles preuves :

« Nous établissons la preuve que le Comité central du Parti communiste tchécoslovaque a été l’initiateur du système criminel de protection des frontières de l’Etat. Ses dirigeants supervisaient le ministre de l’Intérieur et le chargeaient de renforcer le système. Le ministre leur présentait ensuite des rapports réguliers. Ils étaient donc au courant de tout ce qui se passait, ils savaient que les gens étaient exécutés sur la base de leurs décisions. Nous avons retrouvé quelques-unes des résolutions adoptées par le Comité central du Parti, ainsi que les listes de présence signées qui prouvent que messieurs Jakeš, Štrougal et Colotka ont pris part à ces décisions. »

Au total, plus d’une centaine de personnes responsables de ces morts seraient toujours en liberté. Leur accusation déplaît toutefois au vice-président du Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM), Josef Skála, qui la considère comme une tentative de compromettre sa formation à l’approche des élections législatives en octobre prochain :

Lubomír Štrougal
« La protection des frontières n’est pas un crime. Personne ne peut prouver que ces trois messieurs ont violé les lois de la Tchécoslovaquie de l’époque. »

Cette version des faits est rejetée par Neela Winkelmannová, qui précise que le principe d’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité existait également en Tchécoslovaquie communiste. La directrice de la Plateforme ajoute que la notion de « protection des frontières » peut être employée uniquement en rapport avec des attaques armées :

« La plainte porte sur vingt-huit personnes qui n’étaient pas armées, qui sont mortes tragiquement et qui, sans la dictature communiste, seraient peut-être toujours en vie. »

La Plateforme pour la mémoire et la conscience européenne souhaite que la République tchèque devienne le deuxième pays européen après l’Allemagne à condamner des dirigeants de l’ancien régime de tous les niveaux pour les homicides commis sur les civils sur le rideau de fer. Il s’agit, dixit ses membres, « d’une contribution importante à la purification morale de la démocratie post-totalitaire. »