Le dirigeant kurde Saleh Muslim est libre

Saleh Muslim, le dirigeant kurde de Syrie arrêté ce weekend à Prague a été libéré mardi, photo: ČTK

Saleh Muslim, le dirigeant kurde de Syrie arrêté ce weekend à Prague et dont Ankara souhaitait l’extradition, a été libéré mardi. La Turquie, actuellement engagée militairement dans l’Afrin, une région kurde de Syrie, dénonce une décision « politique » assimilable au soutien à « une organisation terroriste ». Saleh Muslim et les autorités tchèques mettent au contraire en avant l’indépendance de la justice tchèque.

Ahmet Necati Bigali,  photo: ČT24
Depuis l’interpellation de Saleh Muslim, dans la nuit de samedi à dimanche, alors que l’ancien coleader du Parti de l’union démocratique (PYD) participait à une conférence dans la capitale tchèque, la Turquie faisait pression pour son maintien en détention. Peu avant la décision du tribunal municipal de Prague, l’ambassadeur turc en Tchéquie, Ahmet Necati Bigali, laissait entendre qu’elle aurait en tout cas des conséquences :

« Nous reconnaissons l’indépendance et la liberté de la justice tchèque. Nous avons fourni la documentation nécessaire aux autorités tchèques. Nous ne voulons pas influencer le tribunal mais le gouvernement et l’opinion publique turcs suivent très attentivement cette affaire. Si le tribunal libérait cet individu, selon moi, cela reviendrait à soutenir le terrorisme et cela ne sera pas bon pour les relations tchéco-turques. »

Les magistrats n’ont pas été sensibles à ces arguments, ce qu’a sévèrement critiqué le chef du gouvernement turc Binali Yıldırım, qui a réitéré l’accusation de soutien au terrorisme, évoqué une décision politique et dénoncé une violation du droit international. Des allégations qui n’ont pas manqué de faire réagir la diplomatie tchèque par la voix de Michaela Lagronová, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères tchèque :

Saleh Muslim,  le dirigeant kurde de Syrie arrêté ce weekend à Prague a été libéré mardi,  photo: ČTK
« La République tchèque rejette catégoriquement tout lien quel qu’il soit avec le soutien au terrorisme international. Ce que nous pouvons seulement dire, c’est qu’avec la décision du tribunal municipal, la République tchèque ne viole aucun de ses engagements juridiques internationaux. »

La Turquie, qui classe le PYD, le principal parti kurde de Syrie, au rang des organisations terroristes, accuse Saleh Muslim d’être mêlé à un attentat qui avait tué une trentaine de personnes en mars 2016 à Ankara, essentiellement des militaires. L’attaque avait été revendiquée par les Faucons de la Liberté du Kurdistan, une organisation dissidente du PKK depuis les années 2000, en guise de représailles aux opérations de répression menées par l’armée turque dans les régions kurdes du sud-est de la Turquie.

L’arrestation de Saleh Muslim, lequel nie toute implication dans cet attentat, a suscité l’émoi chez les Kurdes et parmi leur diaspora, où il est parfois présenté comme un « héros de la lutte contre l’Etat islamique ». Lundi, une manifestation de soutien a rassemblé quelque deux cents personnes à Prague et ils étaient également plusieurs dizaines le lendemain devant le tribunal municipal, dans l’attente de son verdict. Malgré sa remise en liberté, Saleh Muslim n’est cependant peut-être pas encore au bout de ses peines. Markéta Puci, la porte-parole du tribunal pragois :

« Dans le même temps, la cour a reçu la promesse de M. Muslim qu’il resterait sur le territoire de l’Union européenne et qu’il répondrait positivement aux convocations au tribunal. »

Pour son avocat, Miroslav Krutina, l’affaire est en fait à son point de départ. La Turquie dispose en effet de quarante jours depuis l’arrestation pour déposer une demande formelle d’extradition, ce qu’elle n’a pas encore fait.