La galerie DOX expose la réplique d’une sculpture de Karel Nepraš détruite par les communistes

'Une famille prête à fuir', photo: Jan Slavík / Centrum DOX

C’est une sculpture monumentale inédite, à l’histoire assez particulière, qui est actuellement exposée au centre pragois d’art contemporain DOX. Intitulée « Une famille prête à fuir » (Rodina připravená k odjezdu), la sculpture originale avait été créée au lendemain de l’écrasement du Printemps de Prague par le grand plasticien tchèque Karel Nepraš. Détruite dans les années 1980 par les autorités communistes, l’œuvre a été reconstruite par la famille de l’artiste, décédé en 2002. Pour en savoir plus sur l’histoire de cette sculpture et la création, longue et compliquée, de sa réplique exposée au DOX, Radio Prague a rencontré la fille du sculpteur, Karolína Neprašová.

'Une famille prête à fuir',  photo: Jan Slavík / Centrum DOX
« La statue ‘Une famille prête à fuir’ reflète l’époque et le contexte de sa création. Mon père l’a fabriquée dans le cadre d’un symposium de sculpture qui s’est déroulé entre 1968 et 1969 à Ostrava, en Moravie. Il a ainsi réagi à l’émigration massive des Tchèques et des Slovaques à cette époque-là. »

Karel Nepraš a activement contribué à la scène artistique tchèque des années 60. Dans un premier temps, il s’est fait connaître grâce à des dessins humoristiques qui, plus tard, ont servi de base à ses travaux de sculpteur. En 1968, l’artiste obtient une bourse en Allemagne, où il s’installe temporairement. Mais incapable de se détacher du milieu artistique qui lui est familier, Karel Nepraš retourne aussitôt dans son pays d’origine.

'Une famille prête à fuir',  photo: Jan Slavík / Centrum DOX
Un pays que Karel Nepraš ne quittera plus jamais. Et bien qu’interdit d’exposition pendant de longues années, il crée, au lendemain de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, une sculpture monumentale intitulée ‘Une famille prête à fuir’. Cette sculpture réalisée en métal lourd et sombre représente une famille à travers la forme de cinq personnes se suivant les unes derrière les autres. Les rails, sur lesquelles sont posés les personnages, symbolisent le mouvement et par extension l’exile.

Détruite sous le régime communiste pendant la période de normalisation, l’œuvre originale de Karel Nepraš a été reconstruite récemment, comme l’avait d’ailleurs souhaité son auteur dès la chute du régime communiste. Karolína Neprašová :

« Nous sommes un pays libre depuis longtemps, mais la sculpture n’a été achevée qu’il y a deux ans de cela seulement. Nous avons d’abord essayé de solliciter des sponsors comme l’usine sidérurgique de ‘Třinecké železárny’. Mais comme personne n’a donné de suite favorable à notre demande, nous avons décidé de réaliser et de financer le projet nous-mêmes de façon à pouvoir organiser notre travail comme nous l’entendions. Finalement, il s’est avéré que c’était la meilleure option. Ce serait une grande victoire pour mon père de voir son œuvre renaître. »

Bien qu’exigeante, la reconstruction a été moins coûteuse que ce qu’avait prévu Karolína. Long de quatre ans, le processus a nécessité l’aide de spécialistes lors de la fabrication.

« Nous avions fait appel à une entreprise de fonderie, ainsi qu’à des serruriers. Ils nous ont aidés en particulier pour l’assemblage des roues et des autres pièces, car la statue est mécanique. Nous l’avons reconstruite en suivant les plans originaux que mon père avait dessinés en 1968. Nous avons ensuite réalisé une maquette en bois avec l’aide de Jan Lavička. Puis ce sont ensuite des artisans spécialistes du fer qui nous ont aidés. »

La sculpture de Karel Nepraš est installée, pour une période indéterminée, sur la terrasse de la galerie pragoise DOX, juste au-dessous de la montgolfière Gulliver qui sert, depuis quelques mois, de lieu de rencontres et de débats littéraires.