Gouvernement : le référendum populaire au cœur des négociations

Photo illustrative: geralt / Pixabay, CC0

En attendant le 18 février prochain et le congrès extraordinaire du Parti social-démocrate (ČSSD), lors duquel la nouvelle direction décidera de la suite à donner aux discussions avec le mouvement ANO et le Premier ministre Andrej Babiš, les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement se poursuivent avec les autres partis, et notamment avec le parti communiste (KSČM) et le parti d’extrême droite SPD. Deux formations favorables à la fois à l’instauration du référendum d’initiative populaire et à une sortie de la République tchèque de l’Union européenne.

Photo illustrative: geralt / Pixabay,  CC0
En République tchèque pas plus qu’en France par exemple, le référendum d’initiative populaire, à savoir donc un référendum organisé à l'initiative d'une fraction du corps électoral, n'est prévu par la Constitution. Depuis la partition de la Tchécoslovaquie en 1993, un seul référendum a été organisé en République tchèque à l’échelle nationale. A l’époque, il avait d’ailleurs fallu qu’une loi ad hoc soit préalablement spécialement publiée pour permettre l’organisation, en 2003, d’un vote sur l’adhésion du pays à l’Union européenne. Avec un résultat net puisque 77 % des votants avaient alors répondu favorablement à la question posée.

Quinze ans plus tard, on entend ici-et-là, sur la scène politique et dans quelques médias, des voix s’élever pour réclamer l’organisation d’une nouvelle consultation populaire qui porterait cette fois sur une sortie de la République tchèque de l’UE, un « Czexit » qui serait inspiré du vote sur le Brexit au Royaume-Uni. Pour cela, il faudrait toutefois d’abord réviser la Constitution de façon à y intégrer une loi qui instaurerait le référendum d’initiative populaire. Or, jusqu’à présent, aucun de la dizaine de projets de loi présentés ces vingt-cinq dernières années qui allaient dans ce sens n’a jamais abouti.

Actuellement, au moins trois partis représentés à la Chambre basse du Parlement restent néanmoins favorables à cette idée : le KSČM, le parti d’extrême droite SPD et les Pirates. Député pour ces derniers, Mikuláš Ferjenčík explique toutefois que la position des Pirates sur la question diffère beaucoup de celle des communistes ou du SPD :

Mikuláš Ferjenčík,  photo: Česká pirátská strana,  CC BY-SA 2.0
« Nous pensons qu’il faut approfondir la réflexion sur le sujet bien plus que ne l’a fait le SPD dans son projet de loi rejeté à l’automne dernier par les députés. Selon les propositions du SPD, la procédure de référendum pourrait être mise en œuvre à la demande de 100 000 électeurs, de 50 députés ou de 33 sénateurs, et le risque serait alors que le SPD et les communistes veuillent organiser un référendum tous les six mois. C’est pourquoi nous considérons que ces seuils sont insuffisants. »

Surtout, à la différence du SPD et du KSČM, les Pirates n’envisagent pas que l’éventuelle adoption d’une loi qui instaurerait le référendum d’initiative populaire puisse permettre l’organisation d’une consultation des citoyens sur une sortie de la République tchèque de l’UE ou de l’OTAN, deux cas de figure qualifiés « d’idées absurdes » par leur leader Ivan Bartoš.

La position du mouvement ANO, dont le leader Andrej Babiš s’efforce de former un nouveau gouvernement après l’échec de sa première tentative, est sensiblement identique sur ce point à celle des Pirates. Si ANO n’est pas contre le principe du référendum en tant que tel et se dit prêt à débattre de la chose avec les communistes et le SPD dans le cadre des négociations pour la formation du gouvernement, le parti vainqueur des élections législatives en octobre dernier exclut en revanche catégoriquement l’idée d’une consultation populaire sur un « Czexit », comme le confirme son vice-président Jaroslav Faltýnek :

Jaroslav Faltýnek,  photo: Khalil Baalbaki,  ČRo
« Nous pouvons discuter du quorum et des diverses conditions de la loi. Mais si le SPD ou les communistes posent pour condition d’organiser un référendum sur une sortie de l’UE, alors il faut qu’ils comprennent que c’est un non-sens et qu’il sera impossible de trouver un terrain d’entente. »

Autres points sur lesquels les différentes parties devraient se mettre d’accord : le nombre minimum à partir duquel la procédure du référendum serait mise en œuvre, ainsi que le seuil de participation au vote en dessous duquel le résultat ne serait pas validé. Deux éléments essentiels selon Robert Zbíral, spécialiste du droit constitutionnel et politologue à la Faculté de droit de l’Université Charles à Prague :

« Ce que je trouve dangereux, c’est la combinaison de deux choses. Que 50 députés ou 33 députés suffisent pour proposer un référendum, pourquoi pas, mais il convient alors de fixer une limite de participation électorale pour que le résultat du scrutin puisse être déclaré valide. Dans le cas contraire, je considère que cela menacerait et déstabiliserait l’ensemble du système, et ce bien que Tomio Okamura défende son projet en affirmant que les résultats des élections ne sont pas déclarés invalides même lorsque la participation est très faible. »

En Slovaquie voisine, on se souvient ainsi qu’il y a trois ans de cela, le résultat du référendum très controversé qui entendait renforcer la législation constitutionnelle contre l’union des couples de même sexe, avait été déclaré invalide en raison de la forte abstention. Alors qu’une participation minimale de 50 % était requise, seuls un peu plus des 21 % électeurs slovaques s’étaient rendus aux urnes. Et malgré le « oui » majoritaire des votants, c’est donc le « non » ou le statut quo en matière d’interdiction du mariage homosexuel qui l’avait emporté.