65 ans depuis la première émission de la Télévision tchèque

František Filipovský, photo: ČT24

Le 1er mai, 65 ans se sont écoulés depuis la toute première émission de la Télévision tchèque (autrefois tchécoslovaque). Parce qu’elle est née sous le régime communiste, son histoire est étroitement liée à celle du pays. Retour sur plus d’un demi-siècle d’émissions de propagande ou de révolte.

František Filipovský,  photo: ČT24
Depuis la fin du XIXe siècle, les scientifiques cherchent un moyen de transmettre des images à longue distance. Dans plusieurs pays d’Europe, on teste différentes technologies, et c’est à un Ecossais, John Logie Baird que l’on doit l’un des tout premiers systèmes de télévision, avec la première retransmission d’une image en mouvement en 1927. Dans l’entre-deux-guerres, de nombreux essais continuent d’être menés, même en Tchécoslovaquie.

Il faut toutefois attendre le 1er mai 1953 pour que naisse la toute première émission de la Télévision tchécoslovaque, émise à 20 heures. Celle-ci aurait alors été suivie par quelques centaines, voire quelques milliers de récepteurs dans tout le pays. Ce sont deux acteurs tchèques, Jaroslav Marvan et František Filipovský, qui sont les premiers à parler dans le poste. Après environ un an d’essais, les émissions régulières débutent le 25 février 1954, soit symboliquement, le jour du sixième anniversaire de la prise de pouvoir des communistes dans le pays.

Les débuts de la Télévision, alors rattachée à la Radio tchécoslovaque, sont, comme tous les débuts technologiques, plus artisanaux qu’autre chose. D’ailleurs, au départ, les émissions ne se font qu’en direct, car il n’existe aucun appareil permettant d’enregistrer. 1958 est un tournant et voit la naissance d’émissions en direct qui sont également enregistrées, permettant leur rediffusion, comme celles de concerts par exemple.

« Est-on en train d’émettre un signal vers Mars ? » demande sérieusement un commentateur à propos de deux émetteurs tournés vers le ciel. Non, la Télévision tchécoslovaque propose la retransmission d’un concert en direct et décrit dans un reportage tous les préparatifs techniques de l’événement…

Au début, en effet, les émissions proposées sont plutôt d’ordre culturel : documentaires, pièces de théâtre jouées en studio, films ou émissions pour enfants.

Parallèlement à son développement, la Télévision tchécoslovaque subit aussi les affres de l’histoire. En 1958, en pleines années noires du communisme, une purge dans le personnel contraint de nombreuses personnes à quitter leur travail.

Années 1970,  photo: ČT24
Il faut attendre les années 1960 et la progressive libéralisation du pays, pour que la Télévision tchèque prenne réellement son envol, sous la houlette de Jiří Pelikán, largement impliqué dans le contenu des émissions, et bataillant avec des fonctionnaires du régime pour leur défense. Comme il le déclarait en 1969 à la Radio tchécoslovaque, en français, la Télévision tchèque joue un rôle majeur dans l’émancipation de la population qui mena au Printemps de Prague :

« On peut dire que la télévision est devenue une forme de démocratie grecque parce que tout le peuple pouvait écouter ses dirigeants lui parler mais on a aussi donné au peuple, aux représentants du peuple la possibilité de s’exprimer. Nous avons surtout retransmis en direct les réunions dans les usines, dans les villages, où les ouvriers, les agriculteurs, les intellectuels exprimaient leur point de vue. C’était quelque chose de nouveau. »

Tout comme la Radio tchécoslovaque, la Télévision joue un rôle important pendant les premiers jours de l’occupation par les armées du Pacte de Varsovie. Et tout comme pour le reste de la population, les quelque vingt années de « normalisation » qui suivent l’écrasement du Printemps de Prague, signifient grisaille et stagnation. Des dizaines de personnes sont renvoyées, et d’institution essentiellement culturelle, la télévision devient un véritable outil de propagande de cette nouvelle ère.

Années 1980,  photo: ČT24
La révolution de velours de 1989 change évidemment la donne. C’est aussi le grand nettoyage qui commence, la plupart des personnes compromises avec le régime précédant étant limogées, et nombre d’émissions au titre trop connoté étant renommées.

Au tournant des années 2000 et 2001, une crise majeure secoue la Télévision tchèque, autour de la question de son indépendance vis-à-vis du politique. Quand bien même, celle-ci s’était finalement résolue, en faveur des journalistes grévistes d’alors, cette question de l’indépendance et de la liberté des journalistes est une chose qui ne cesse pas d’être d’actualité encore aujourd’hui. Pas plus tard qu’en mars, le président réélu Milos Zeman critiquait vertement dans son discours d’investiture, plusieurs médias tchèques, dont la Télévision publique, donnant lieu à plusieurs manifestations en soutien à celle-ci.

Depuis les années 1990, le paysage audiovisuel a en tout cas bien évolué. Aujourd’hui, la Télévision tchèque n’est évidemment plus la seule à assurer la production et la transmission de l’information, concurrencée par de nombreuses chaînes de télévision privées. Le passage au numérique dans les années 2000 a sans doute été la plus importante révolution technologique depuis des décennies. Aujourd’hui, la Télévision publique tchèque compte six chaînes, dont une chaîne d’information en continue sur le modèle des chaînes internationales.