Quand deux jeunes Alsaciens ouvrent une galerie d’art à Prague

Photo: Life is ours

Une galerie d’art destinée aux jeunes artistes et qui veut relier Prague à Strasbourg. C’est en gros le nouveau projet de deux jeunes photographes venus d’Alsace, Daniel Flusser et Alexandre Nitka. Appelée Life is ours, la galerie ouvrira au public le 8 septembre prochain, rue Koněvova, dans le quartier de Žižkov à Prague.

Daniel Flusser et Alexandre Nitka,  photo: Life is ours
Daniel avait commencé avec la photo après ses études à l’école de cinéma de Strasbourg, il y a quelques années de cela. Pendant son séjour à Barcelone, en Espagne, il a fait découvrir l’art de la photographie à son ami Alexandre, architecte de profession. Les deux jeunes artistes réalisent aujourd’hui essentiellement des clichés en noir et blanc, avec un appareil photo argentique. Ils s’intéressent notamment à l’architecture, aux portraits, mais aussi par exemple à la culture du skateboard qui, disent-ils, leur permet de découvrir des endroits intéressants et de porter « un autre regard sur les bâtiments ».

Nous avons rencontré Daniel Flusser et Alexandre Nitka pour parler davantage de leur dernier projet, la galerie Life is ours. Daniel a commencé par expliquer comment était née l’idée de l’ouvrir dans la capitale tchèque :

Daniel : « J’avais déjà fait une exposition photo à Prague en 2014 dans la galerie Artinbox. J’avais vu qu’il y avait un vrai dynamisme artistique dans la ville. Cette ville m’intéressait beaucoup mais je n’avais jamais pensé à venir y habiter. Alex s’est lancé dans la photo il y a environ deux ans. Nous avons passé des après-midi ensemble à faire de la photo à Barcelone, aussi bien qu’à Strasbourg. A Barcelone, j’ai eu des amis qui avaient lancé aussi un projet personnel, un magasin de vêtements. En participant à ce projet, j’ai commencé à penser à quelque chose qui serait lié à la photo ou à l’art en général. L’an dernier, j’ai quitté Barcelone et je suis retourné en Alsace. J’ai commencé à en parler avec Alex. »

Photo: Life is ours
Alexandre : « Puis, Daniel est parti pour Prague. Moi, je l’ai suivi peu de temps après et tout s’est accéléré. Nous avons trouvé un local, nous nous sommes jetés à l’eau, nous nous sommes dits qu’il s’agissait d’un bon endroit pour notre projet. Moi aussi, j’avais déjà visité la ville à plusieurs reprises. Je m’étais aussi rendu compte de cet univers culturel et artistique qu’elle présentait à travers toutes ces petites ruelles du centre-ville. Par contre, nous ne connaissions pas le quartier de Žižkov. Mais en se baladant dans le quartier, nous nous sommes rendu compte qu’il avait une atmosphère spéciale. C’est un quartier qui est très populaire et qui est en train de se gentrifier. C’est une bonne place et une bonne dynamique pour ouvrir cette galerie. »

Daniel : « Nous aurions pu ouvrir cette galerie à Strasbourg, ce qui aurait été dans la logique. Mais je ne voulais pas retourner en France. Cela faisait cinq ans que j’étais à l’étranger, j’ai toujours aimé les relations avec des personnes de différents pays, c’est ce qui m’a toujours fait avancer. »

Alexandre : « Moi aussi. Je vis à Strasbourg depuis sept ans. Je n’ai jamais eu l’occasion de faire un Erasmus, même si j’aurais bien voulu. C’était pour moi l’occasion de faire pour une fois quelque chose en dehors de Strasbourg. »

« Notre objectif est d’ouvrir deux établissements qui nous permettraient de créer, grâce aux expositions, des relations entre Strasbourg et Prague. »

Daniel : « Si nous réussissons avec cette galerie à Prague, nous pourrons peut-être en ouvrir une aussi à Strasbourg. »

Alexandre : « C’est notre objectif, d’ouvrir deux établissements qui nous permettraient de créer, grâce aux expositions, des relations entre Strasbourg et Prague. »

Dans votre description du projet vous dites que, « plus qu’une simple galerie, ce sera un lieu vivant, un lieu d’échanges, que l’on soit artiste, passionné d’art, étudiant ou simplement curieux ». Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Alexandre : « En fait, nous n’avons pas envie de faire une simple galerie où les gens viennent au vernissage et après il ne se passe plus rien. Nous aimerions la transformer assez rapidement en café, mettre à disposition une librairie avec des livres sur l’architecture, l’art, le design, etc. Nous voudrions aussi créer un certain nombre d’événements pour mettre en interaction plusieurs personnes et leur permettre de discuter sur des sujets artistiques. En gros, nous sommes aussi de jeunes artistes et nous avons envie de faire un tremplin pour des jeunes qui ont du mal à s’exposer ou à sortir de leur pays et venir exposer à Prague. Nous voulons les mettre en relation avec d’autres personnes et créer un réseau qui peut débuter lors d’un vernissage lors duquel se réunirons des gens ayant le même esprit artistique et qui peuvent après se créer un chemin. »

« Plus qu’une simple galerie, ce sera un lieu vivant, un lieu d’échanges, que l’on soit artiste, passionné d’art, étudiant ou simplement curieux. »

Daniel : « C’est l’échange entre les personnes. Je l’ai vécu : au début, quand j’ai commencé la photo, c’était compliqué. J’ai proposé beaucoup de projets photo à des galeries à Strasbourg et souvent sans réponse. C’était la même chose à Barcelone où je n’ai eu qu’une mini exposition et je n’ai jamais pu faire un vrai projet. Je n’ai jamais eu quelqu’un qui me tendrait la main et me dirait qu’il aime mon travail et me proposerait de faire un projet ensemble. Donc, quand nous allons vouloir faire une exposition avec un artiste, nous serons vraiment ensemble, nous créerons ensemble avec son travail. Nous essayerons de le pousser vers le haut et de le mettre en relation avec d’autres personnes, peut-être à Strasbourg. C’est aussi la raison pour laquelle il serait bien d’avoir un autre local, pour pouvoir faire un échange entre les deux villes. »

Alexandre : « Nous ne voulons pas que l’artiste vienne, qu’il pose ses œuvres et merci, au revoir et c’est fini. Nous avons envie de le suivre, peut-être faire une journée avec lui, le filmer, filmer sa manière de travailler et la mettre en valeur sur notre site internet et sur les réseaux sociaux pour faire parler de lui, pour que d’autres soient intéressés par son travail, qu’ils le contactent, etc. Nous voulons mettre en valeur les jeunes artistes que nous allons exposer et les booster au maximum. »

Daniel : « Avec nos moyens, bien sûr, car nous sommes au même niveau. Nous apprenons, nous aussi. Nous n’avons pas d’expériences, nous n’avons pas fait des écoles de commerce ou de relations… Nous apprenons avec eux. »

Alexandre : « C’est cela. Nous allons obtenir ces expériences avec des personnes annexes qui vont venir. Nous lançons ce projet mais nous avons besoin d’autres pour pouvoir grandir et pour le faire marcher. »

La galerie sera-t-elle dédiée seulement à la photographie et aux jeunes photographes ? Ou envisagez-vous d’y exposer également d’autres types d’art ?

Photo: Life is ours
Daniel : « Nous allons commencer avec la photo parce que nous connaissons beaucoup d’artistes qui travaillent dans ce domaine. Petit à petit, nous voulons nous ouvrir à toutes sortes d’arts, qu’il s’agisse de la sculpture ou de la peinture. Effectivement, il s’agit d’une petite galerie et nous ne pouvons pas présenter des œuvres gigantesques. Mais nous pouvons nous adapter à différents types d’arts. Nous sommes ciblés sur la photo jusqu’à la fin de 2017. Mais en 2018, nous voulons déjà inviter d’autres artistes. Je veux aussi apprendre avec un jeune peintre qui m’expliquera pourquoi il peint, quelles sont ses inspirations… Nous sommes donc ouverts à toute proposition. »

Alexandre : « Nous pouvons créer aussi des expositions simultanées de la photographie et de la sérigraphie ou mettre la photo en relation avec de la peinture pour essayer de faire interagir deux artistes qui ne se connaissent pas et qui pourraient travailler sur une exposition commune. »

Avez-vous déjà convenu des expositions pour les premiers mois de l’existence de la galerie ?

Daniel : « Pour l’ouverture, nous préparons une exposition en coopération avec un magazine parisien. Cinq artistes vont exposer dans notre galerie. Pour le début, nous n’avons en effet pas voulu exposer seulement un artiste, nous avons voulu un regroupement d’artistes, avec le lancement d’un magazine pour faire rencontrer ces personnes entre elles. La deuxième exposition sera dédiée à un photographe alsacien et la troisième à une Canadienne qui fait de très belles photos en argentique. Enfin, en décembre, nous aimerions exposer un ami, un très bon photographe du Panama. Actuellement, nous essayons de trouver des financements pour le faire venir à Prague. »

L’entrée à la galerie sera libre. Comment entendez-vous financer le projet ?

Daniel : « Tout d’abord, il y a le fait que nous allons y ouvrir un café pour essayer de payer les factures. Mais notre objectif, ce n’est pas de faire de l’argent. Nous voulons rester à zéro et pouvoir faire ce que nous voulons. Nous aimerions aussi créer un site internet pour promouvoir les jeunes artistes que nous allons exposer et pour vendre leurs œuvres. »

Daniel Flusser et Alexandre Nitka,  photo: Life is ours
Alexandre : « Nous allons aussi proposer aux artistes de nous faire des T-shirts. »

Daniel : « Oui, nous allons vendre de la mode et peut-être des bouquins de certains artistes. Après, nous avons aussi un projet crowdfunding qui va nous aider. »

Alexandre : « Cela va nous aider surtout à faire l’intérieur de la galerie, notamment à acheter le mobilier et l’éclairage qui coûtent très cher. »

Comment est aménagé l’espace ? Pouvez-vous organiser plusieurs expositions à la fois ?

Alexandre : « Je pense que oui. Bien que ce soit une petite galerie de 40 m2, elle est assez bien agencée. Nous avons une pièce principale avec l’accueil, la librairie et deux murs sur lesquels nous pouvons exposer. Puis, il y a le passage dans une deuxième pièce qui, el« Les gens à Prague sont très accueillants et vont très vite dans l’entre-aide. »le, est divisée par deux murs. »

Daniel : « Cela fait trois pièces séparées. Nous pouvons donc imaginer un artiste dans chaque pièce. »

Alexandre : « Enfin, à l’arrière, nous avons une kitchenette que nous voulons transformer en une chambre noire. Cette chambre sera ouverte à tous ceux qui voudraient venir pour développer leurs photos et apprendre à d’autres comment le faire. Sinon, la salle d’accueil servira aussi de café, nous y mettrons des tables et des chaises. Les expositions qui se tiendront ici seront plutôt une décoration du café. Puis, les visiteurs pourront passer dans les autres salles où il y aura vraiment un espace pour se balader et regarder des œuvres accrochées. »

Daniel, vous êtes basé à Prague, et vous, Alexandre, vous allez gérer la galerie depuis Strasbourg…

Alexandre : « Oui. Peut-être je vais venir m’installer à Prague pour que les choses soient plus faciles. Mais nous pouvons nous débrouiller. Je fais souvent des allers-retours, nous pouvons communiquer via les e-mails et les réseaux sociaux. Comme nous voulons créer des relations entre les deux villes, il est plus facile que je sois sur Strasbourg. Je peux aller rencontrer un artiste, le prendre en photo, suivre son travail, etc. Je peux plus facilement aller en Allemagne ou en Suisse. Cela nous fait deux centres de travail. »

Daniel : « Et nous allons en créer plus. Je connais une fille qui travaille dans une galerie à Barcelone et qui va nous mettre en relation avec des artistes espagnols. C’est ainsi que nous essayons de grandir petit à petit. »

« Les gens à Prague sont très accueillants et vont très vite dans l’entre-aide. »

Quelles sont les réactions à votre projet ? N’est-il pas trop difficile pour deux jeunes Français d’ouvrir une galerie à Prague et de s’implanter dans le milieu artistique tchèque ?

Alexandre : « Les gens à Prague sont très accueillants et vont très vite dans l’entre-aide. C’est très encourageant de voir que les gens locaux sont tellement accueillants. Les réponses sont donc très positives. Les gens nous aident à chercher des contacts et sont prêts à nous présenter beaucoup de choses. Pour l’instant, nous n’avons pas eu énormément de contacts à Prague. Mais avec les gens que nous avons rencontrés, nous sommes devenus amis. Cela est génial. Les choses se déroulent assez facilement. »

Daniel : « Les gens sont intéressés et curieux aussi. Ils veulent découvrir comment cela fonctionne, deux Français à Prague. Mais surtout, ils aiment l’idée de base de notre projet. »

https://www.facebook.com/Lifeisoursgallery