Le Scrollino : le nouveau livre interactif créé par un couple franco-tchèque

Scrollino, photo: Lisa Mazières

Créatrice du Scrollino avec son mari Sylvain, la Tchèque Ludmila Favardin, nous a parlé de son nouveau concept de livre interactif. Ce livre objet permet une lecture ludique de deux mètres de papier que l’on déroule et rembobine à l’aide d’un crayon. Le Scrollino est fabriqué avec des matériaux 100% biosourcés et renouvelables. Il est aussi un support de création car il donne la possibilité aux lecteurs de laisser leur imagination s’exprimer.

Ludmila Favardin,  photo: Lisa Mazières
« Le Scrollino est un nouveau projet éditorial qu’on déroule. Avec mon mari, on a fondé une maison d’édition, les Edition Lidu, en 2011, et depuis on édite et on crée ensemble des livres créatifs pour enfants. Nous aimons expérimenter avec le papier et les différentes fonctions du livre. L’objectif était de créer quelque chose d’interactif mais seulement avec du papier. On utilise le crayon pour faire dérouler et rembobiner l’histoire. »

Comment est venue l’idée du concept, du format ?

« Le chemin était long. La première idée était d’imprimer des livres sur des tickets de caisses. Le format des longs bandeaux de papier vient des tickets de caisses imprimés par thermographie. L’imprimante qui imprime normalement des prix et des fiches de produits, impriment des images seulement avec la température. La couleur noire est créée avec la chaleur. C’était la première idée, mais ensuite le problème est venu de comment rembobiner ces longs bandeaux de papier. »

A quelles tranches d’âge le Scrollino s’adresse-t-il ? Plutôt aux adultes ou aux enfants ?

« On voudrait que le Scrollino s’adresse à tous les âges. C’est plutôt à partir de 3 ou 4 ans pour que les enfants soient capables de les manipuler. Mais ce n’est pas limité. C’est pour cela que nous faisons des éditions pour enfants mais aussi des éditions plus travaillées pour que les adultes puissent également s’amuser avec. »

Quels sont les différents thèmes des Scrollino et comment les idées des thèmes vous viennent ?

Scrollino,  photo: Scrollino,  edition lidu,  2016
« Les idées arrivent par avalanche maintenant. Une fois que nous avons pu trouver comment faire fonctionner l’objet, les idées sont venues toutes seules. De plus, lorsque l’on montre le Scrollino à des collaborateurs ou à des personnes dans des festivals, chaque fois il y a une nouvelle idée qui apparait. C’est ça qui nous plait aussi, c’est que le Scrollino inspire. Maintenant, c’est juste une question de temps, pour que l’on puisse se concentrer sur chaque idée et la développer. »

Quels sont les thèmes des Scrollino ?

« Au début, nous avons commencé avec la BD. Nous étions en train de préparer la première collection pour la présenter au festival de la BD à Angoulême et c’est comme cela que nous nous sommes intéressés à la BD. C’était la BD pour enfants, avec un Scrollino dédié à la création de son propre héros ou un autre composé de carrés vides destinés à être complétés par les dessins des enfants. Puis très rapidement les autres idées sont venues comme par exemple utiliser le Scrollino comme un bloc-notes interactif. Vous avez deux mètres de papier avec des lignes qui sont prêtes pour vos idées, vos listes de courses, vos poèmes ou tout ce que vous imaginez. »

Il existe aussi des Scrollino dédiés aux monuments, n’est-ce pas ?

« Oui c’est exact. C’est une collaboration avec un illustrateur français, Janus Ojjo, qui se consacre à dessiner des monuments existants. Lorsque nous lui avons demandé de créer quelque chose pour le Scrollino, il a eu l’idée de créer un monument inexistant sur toute la longueur du papier, pour créer un bâtiment presque infini. Donc quand on le déroule on voit quelque chose de magique. »

Où pouvons-nous acheter les Scrollino ?

« A Prague, les Scrollino sont en vente au musée des Arts Décoratifs ou au Musée Kampa qui est un très beau musée d’art moderne, et aussi dans certaines librairies. »

Scrollino,  photo: Scrollino,  edition lidu,  2016
En quelles langues le Scrollino est-il publié ?

« C’est vrai que c’est un peu notre spécialité de publier les Scrollino en plusieurs langues. Aujourd’hui le Scrollino existe en français, en tchèque, en anglais et en italien. »

En mai 2016, vous avez organisé une Battle d’écriture. En quoi une Battle d’écriture consiste-t-elle et comment la soirée s’est-elle déroulée ?

« C’est la première Battle que nous avons faite. Nous avons participé à cette soirée de Battle avec notre technique d’impression sur les tickets de caisses. Il y avait huit catcheurs qui étaient les écrivains qui se sont combattus. Chaque fois, il y en avait deux sur scène avec des thèmes imposés par les organisateurs mais également par le public qui pouvait les influencer. C’était très interactif. Pour nous, c’était intéressant mais aussi difficile à organiser. Moi j’étais derrière, je regardais les écrivains et en même temps j’étais prête à relier le Scrollino qui était composé de toutes les histoires de la soirée. Et mon époux Sylvain surveillait tous les combats et tous les écrivains pour être en support technique et pour être sûr que toutes les histoires seraient imprimées sur le bandeau. »

Vous en avez gardé une trace ?

Ludmila et Sylvain Favardin,  photo: Scrollino,  edition lidu,  2016
« Oui. Après chaque combat, chaque catcheur appuyait sur un bouton sur l’ordinateur sur lequel il ou elle avait écrit le texte. Et ensuite l’imprimante de tickets de caisses imprimait leurs textes. Ce qui était intéressant, c’était que directement ils pouvaient lire leur texte au public. Ainsi, le public a vraiment pu participer et c’était un très beau moment. »

Avez-vous d’autres projets de ce type ?

« Nous avons été inspirés par ce succès. La Battle d’écriture ne se faisait pas autant en Europe. En tout cas à Nantes, où nous sommes basés, c’est l’une des premières à avoir été faites. Le public était tellement enchanté et nous aussi, que nous avons voulu développer ce concept de combat créatif. Le deuxième combat était dédié au dessin. Il s’est déroulé à Angoulême avec quatre dessinateurs talentueux qui avaient aussi des sujets imposés et les idées du public qu’ils devaient intégrer dans leur Scrollino de deux mètres de long. »

Y a-t-il d’autres Battles qui sont prévus dans les mois à venir ?

« Oui, maintenant nous avons beaucoup d’institutions qui veulent faire leur Battle de Scrollino. Donc il y en aura sûrement d’autres sans pour autant que je puisse vous confirmer une date précise. »

Est–ce que vous pensez qu’aujourd’hui il est nécessaire de renouveler le format du livre pour que celui-ci résiste au numérique ?

Scrollino,  photo: Scrollino,  edition lidu,  2016
« Pour nous, l’interactivité est très importante, mais on préfère l’interactivité plus ludique, plus humaine que nous avons avec un objet que l’on peut toucher. Je le remarque dans les évènements avec les enfants car lorsqu’ils voient les Scrollino, c’est quelque chose de magique pour eux. Ils n’ont pas besoin que ça bouge tout seul. Ils ont envie de découvrir petit à petit l’histoire. Ce que j’aime beaucoup aussi, c’est qu’ils font attention. Ils comprennent que c’est un objet qui peut être fragile mais aussi magique, donc ils ont envie d’en prendre soin. Il y a beaucoup d’enfants qui n’aiment pas lire mais comme le Scrollino est un objet interactif, ça les initie à la lecture. »

Le format du Scrollino peut donner une autre dimension au livre, n’est-ce pas ?

« C’est vrai, mais ce n’était pas forcément notre but de créer un objet concurrent au livre mais plutôt de donner aux gens la possibilité d’être actif dans la lecture et dans l’histoire. Il y a beaucoup de Scrollino qui contiennent peu de texte pour laisser la possibilité aux gens de travailler leur imagination. »

Comment se passe la fabrication?

Scrollino,  photo: Lisa Mazières
« La fabrication se déroule principalement en France. Mais nous avons aussi beaucoup de contacts en Tchéquie, à Prague, ce qui nous laisse différentes possibilités. Finalement, nous produisons tout dans nos ateliers. Une grande partie de notre production est manuelle. Après de très longues recherches, on s’est rendu compte que le Scrollino était un concept tellement nouveau et innovant que les fabricants n’étaient pas encore prêts à le produire. Grâce à Sylvain qui a une capacité de recherche technologique, nous avons pu mettre au point une nouvelle technique d’impression, que l’on appelle désormais la ‘scrollinographie’. Elle nous permet d’imprimer des bandeaux de plusieurs kilomètres si on le souhaite donc des histoires qui ne sont pas répétitives. Effectivement, notre plus gros souci pour l’impression c’était la longueur car normalement nous ne pouvions imprimer que des bandeaux qui avaient des visuels qui se répétaient après 50 cm. Ce n’était donc pas très intéressant pour nous car nous voulions créer des histoires de deux ou trois mètres. Cette technique nous permet d’être indépendants donc de faire pleins de petites éditions et d’imprimer tout ce que l’on imagine. »

https://www.editionlidu.com/